martes, 13 de septiembre de 2016

Un poema de Pierre Louÿs


A UN MARIDO FELIZ 

Te envidio, Agorakrites, por tener una mujer tan esforzada. Es ella quien cuida el establo y, por las mañanas, en lugar de hacer el amor da de beber a las bestias. 

Eso te regocija. Que otros, dices, persigan los bajos placeres, permanezcan despiertos por las noches, duerman durante el día e incluso le pidan a la adúltera una saciedad criminal. 

Sí; tu mujer trabaja en el establo. Hay quienes dicen que prodiga mil caricias al más joven de tus asnos. ¡Ah! ¡Ja! ¡Es un animal muy bonito! Tiene un mechón negro sobre los ojos. 

Dicen que juega entre sus patas, bajo su vientre dulce y gris... Pero aquellos que tal cosa afirman son unos murmuradores. Si tu asno le gusta, Agorakrites, seguramente es que su mirada le recuerda la tuya. 



À UN MARI HEUREUX 

Je t’envie, Agorakritès, d’avoir une femme aussi zélée. C’est elle-même qui soigne l’étable, et le matin, au lieu de faire l’amour elle donne à boire aux bestiaux.
 
Tu t’en réjouis. Que d’autres, dis-tu, ne songent qu’aux voluptés basses, veillent la nuit, dorment le jour et demandent encore à l’adultère une satiété criminelle.
 
Oui ; ta femme travaille à l’étable. On dit même qu’elle a mille tendresses pour le plus jeune de tes ânes. Ah ! Ha ! c’est un bel animal ! Il a une touffe noire sur les yeux.
 
On dit qu’elle joue entre ses pattes, sous son ventre gris et doux... Mais ceux qui disent cela sont des médisants. Si ton âne lui plaît, Agorakritès, c’est que son regard sans doute lui rappelle le tien. 

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PIERRE LOUŸS. Les Chansons de Bilitis - Traduites du grec. Ilustrations Raul Soldi. Editorial Poesidon. Buenos Aires, 1945. 

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